Urgence climatique : que faut-il faire pour sauver la filière ?
Bien-être - ACTUALITÉ

Urgence climatique : que faut-il faire pour sauver la filière ?

EN PARTENARIAT AVEC L'IFCE

Comment agir pour l'environnement ?


Incendies, sècheresse, fonte des glaces…aujourd'hui, le réchauffement climatique est dans tous les esprits. Bien que ce phénomène impacte de plus en plus nos vies, il pourrait bien aussi s’immiscer dans celles de nos chevaux. Agata Rzekęć, ingénieure agronome et cheffe de projets en lien avec l’environnement et le développement durable de la filière équine à l’IFCE, tire la sonnette d’alarme sur les mesures que doit adopter la filière équine en réponse au dérèglement climatique.


Le réchauffement climatique : les chiffres parlent


Depuis 1850, l’atmosphère se réchauffe. Aujourd’hui, les causes de ce bouleversement climatique sont connues : elles viennent directement de l’activité humaine. En témoignent les nombreuses simulations mathématiques réalisées par le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies), qui ont conclu que les causes uniquement naturelles ne justifient pas le réchauffement tel qu’il est observé aujourd’hui. 


Et la filière équine n’est pas en reste : elle a sa part de responsabilité sur les 436 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre (GES) émises en France, notamment avec le méthane entérique (essentiellement produit dans le rumen des ruminants, par la fermentation microbienne des glucides de la ration). Il représente ainsi environ 1,6 % des émissions totales de méthane du secteur de l'élevage, soit 22 000 tonnes de méthane pour une population estimée à 970 000 chevaux et 110 000 ânes, ce qui équivaut à 616 000 tonnes d'équivalent CO2. En gardant à l'esprit que le méthane entérique n'est responsable que d'1/3 des émissions d'un équidé.

S'ajoutent à cela, la pollution des autres secteurs de la filière : le transport des aliments, l’électricité utilisée pour l’éclairage des infrastructures, la perte de terres cultivables pour la construction de structures équestres…Tous ces agissements ont un impact environnemental considérable. 

le-mag-7983cbc6-247f-4d98-b607-ceca3817607d

Aussi, pour la seule année 2019, les émissions de gaz à effet de serre étaient chiffrées à 60 milliards de tonnes à l'échelle mondiale. Sans compter que les gaz à effet de serre ont une durée de vie dans l'atmosphère : le CO2 par exemple, se dégrade au bout de 100 ans, et le méthane au bout de 12 ans dans l'atmosphère. Ce qui signifie, que les émissions de GES historiques sont également à prendre en compte. Ainsi, on estime à 2 000 milliards de tonnes les émissions émises depuis 1850.


Des chiffres alarmants qui ont des conséquences directes sur l’environnement : hausse de la température de la surface de la Terre, hausse de la température de l'eau et la montée des océans via la fonte des glaciers, la perturbation du cycle de l'eau menant à des épisodes de sécheresse, des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, etc. Mais aussi sur la biodiversité : 25% des espèces animales et végétales sont menacées, et certaines d’entre elles sont obligées de migrer loin de leur milieu naturel (comme le moustique tigre par exemple). 


Les enjeux sur la filière équine 


Si elle est responsable d’une partie des émissions de gaz à effet de serre, la filière équine se voit aussi progressivement impactée par le dérèglement climatique. Ainsi, on commence à entrevoir quelques difficultés au sein des secteurs de la filière, qui devraient s’amplifier au cours des années futures : 


  • L’alimentation. Compte tenu du réchauffement de l’atmosphère, on peut s’attendre dans les années à venir à un dérèglement des rendements agricoles et des dates de récoltes des fourrages. Ainsi, certains végétaux vont profiter d'un taux de CO2 plus important, quand d’autres vont en pâtir. 
  • Les céréales. Avec des récoltes tardives, le risque est de produire des problèmes de stockage ou d’acheminement des céréales, et ainsi de voir les prix augmenter. 
  • La mise à l’herbe. Compte tenu de la pousse de l’herbe de plus en plus précoce dans l’année, les chevaux pourraient être remis à l’herbe plus tôt, et il pourrait ne plus y avoir d’herbe du tout en été. 
  • Le sport. La hausse des températures pourrait avoir un impact direct sur la santé des chevaux, et sur les évènements sportifs. Ils pourraient être décalés à plus tôt dans la journée, voire même annulés en cas de grosses périodes de canicule ou de pluies diluviennes. 
  • La vie des chevaux. Les fortes chaleurs auront un impact sur le quotidien des chevaux, notamment ceux vivant au box. Les bâtiments devront être repensés afin d’aider les chevaux à supporter la canicule. 
  • Les ressources en eau. Comme nous le voyons depuis déjà quelques mois, les restrictions d’eau se multiplient dans les structures équestres. Son utilisation pour l’arrosage des carrières, ou des douches d’écuries devrait être réduite, et des récupérateurs d’eau de pluie pourraient être mis en place. 
  • Le transport. Les trajets en camion utilisent une très forte quantité d’énergie pour les faire fonctionner. Il faudra donc se poser la question d’une reterritorialisation des évènements sportifs, afin de réduire la durée des déplacements. 
le-mag-bc740250-c0f2-48b7-87a3-74164f83e96d

 Les solutions 


Face aux problèmes engendrés par le dérèglement climatique, la filière équine va devoir s’adapter, et surtout agir. Agata Rzekęć, ingénieure agronome et cheffe de projets en lien avec l’environnement et le développement durable de la filière équine à l’IFCE, nous livre quelques pistes d’amélioration : 


  • Être en totale autonomie fourragère ou être autonome à l'échelle de son territoire. C’est-à-dire, produire soi-même tous les besoins alimentaires fourragers du troupeau. 


« Être en autonomie fourragère passe par la réalisation d’un bilan de ration, afin de l’adapter aux besoins des chevaux, et ainsi éviter le gaspillage ou les excès. » explique Agata Rzekęć. 


  • Gérer différemment le pâturage. Un hectare de prairie est un stock de carbone (estimé à 70 tonnes de carbone, principalement situé dans le sol). Chaque année, un hectare de prairie peut absorber entre 110 et 210 kg (en fonction de son utilisation, de son état, de la flore et de la vitalité du sol).


Il est important de prendre soin de sa prairie et d'éviter le surpâturage. Il faut garder à l'esprit que l'agriculture est le seul secteur économique qui est capable de stocker du carbone. On a des cartes à jouer sur ce terrain aussi. Il est donc important d’améliorer sa gestion." précise l’ingénieure agronome.


  • Réorganiser les zones agricoles. Il s’agit de mettre en commun les prairies, afin d’utiliser le fumier comme fertilisant des sols, et ainsi contribuer à l’alimentation des animaux. 


« Aujourd’hui, on voit bien que les zones agricoles sont spécialisées et demain, il faudra repenser cette organisation et resserrer les liens entre les éleveurs et les agriculteurs pour rendre la production plus locale. » 
le-mag-e1105e16-1ad7-48b6-9acb-3067fd377ee8
  • Travailler sur la sobriété énergétique. Cette méthode s’applique à tous, mais peut aussi être adoptée au sein de la filière équine. Il s’agit de réduire ses consommations d’énergie en changeant son mode de vie. 


« Il y a 3 grands principes à appliquer pour la sobriété énergétique : éviter (les émissions de gaz à effet de serre, une activité polluante comme un concours très éloigné de chez soi par exemple), réduire (en repensant le transport des chevaux pour moins consommer par exemple), compenser (en plantant des arbres, en maximisant les prairies, en finançant des projets de compensation carbone). Ces 3 principes doivent toujours être appliqués dans cet ordre : éviter - réduire - compenser. » explique Agata Rzekęć. 


  • Repenser les bâtiments. Les structures équestres doivent être repensées afin de s’adapter au dérèglement climatique : végétaliser les toits des bâtiments afin d’abaisser la température de quelques degrés, revoir les matériaux utilisés pour leur construction, ou encore penser à l’éco-conception. 


« Il faut aussi veiller à offrir de l’ombre dans les pâturages, réduire le rayonnement direct et indirect du soleil, améliorer la ventilation naturelle, installer des panneaux photovoltaïques, etc. » souligne Agata Rzekęć. 


Dans la mesure du possible, voici quelques solutions supplémentaires que vous pouvez adopter


  • Réguler l’alimentation des chevaux. L’installation d’automates par exemple, permet d’analyser les besoins alimentaires des chevaux et ainsi, de contrôler la quantité de la ration distribuée quotidiennement. Cette méthode permet d’éviter le gaspillage. 
  • Être labellisé EquuRES. Il s'agit du seul label national mettant en valeur l'environnement et le bien-être animal au sein des structures de la filière équine. En obtenant ce label, les exploitations équines, les hippodromes et les évènements équestres attestent répondre à un cahier des charges bien précis : le respect de 130 critères axés sur la santé des chevaux, la bonne utilisation des ressources (eau, énergie), le recyclage des déchets, la préservation des milieux, etc.
  • Gérer la consommation d’eau. L’eau est très utilisée dans les écuries et contrôler son utilisation est une bonne manière de contribuer à sa préservation. Vous pouvez installer des récupérateurs d’eau de pluie ( cuves à eau, etc) et la réutiliser pour l’arrosage des sols par exemple. La sub-irrigation des sols peut également être une solution : elle est une réponse au gaspillage d’eau et permet une homogénéité du sol. Enfin, vous pouvez opter pour des abreuvoirs automatiques. L’eau sera ainsi distribuée aux chevaux en fonction de leurs besoins. 


Afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, pour atteindre l'objectif des Accords de Paris, un français moyen doit émettre 2 tonnes équivalent CO2 par an, soit 5 fois moins qu'actuellement. Nous sommes déjà à 1,1°C de réchauffement global, chaque demi-degré compte. Cavalier, gérant d’écurie, chacun peut donc avoir un impact sur l’environnement. Sachant que nous mettons en moyenne 66 jours pour changer nos habitudes, il n’est pas trop tard pour agir.