C’est officiel : les Jeux olympiques de Paris 2024 seront les premiers jeux totalement paritaires avec 50% de femmes athlètes, a promis le Comité olympique français par la voix de son président Tony Estanguet. On fait le point sur la parité aux JO dans l'équitation à l'occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.
Si l'équitation est l'une des rares disciplines qui propose des épreuves totalement mixtes aux Jeux Olympiques (avec la voile), la parité dans la participation des athlètes femmes et hommes en équitation n'est pas une évidence.
La FFE (Fédération Française d’Equitation) s’est prononcée fin 2023 en faveur d'une stricte parité parmi les athlètes sélectionnés pour représenter la France. C’est légitime : l’équitation est le premier sport-loisir olympique féminin en France avec près de 700 000 licenciés. Pourtant, seules 7 femmes figurent sur la liste des 31 athlètes cavaliers bénéficiant d'un accompagnement personnalisé, d'après les longues listes publiées en novembre 2023.
"Il y a des critères de performance, des critères strictement sportifs qui nous obligent en tant que sport mixte à ne pas faire de tri par genre, confie Sophie Dubourg, la Directrice technique nationale de la FFE. On n'applique pas de quota féminin sur la base de critères sportifs moindres au niveau olympique". En même temps, elle reconnait et déplore avoir une olympiade particulièrement pauvre en terme de participation féminine.
L'équitation, un sport olympique mixte depuis 1900
Le grand écart, entre la réalité de la pratique sportive et l'accès au plus haut niveau, ne date pas d'aujourd'hui. Si 2024 doit en théorie marquer un tournant pour l’équitation, ce fut également le cas en 1912, année avant laquelle en France, seuls les cavaliers militaires et masculins étaient autorisés à participer aux compétitions. En 1912, cette même année, aux Jeux de Stockholm, les femmes furent autorisées à participer aux JO d’équitation pour la première fois.
Mais pas dans toutes les épreuves. Il faudra attendre 40 ans plus tard, en 1952 pour voir des femmes autorisées à participer aux épreuves olympiques de dressage. Pour l’occasion et peut-être marquer la capacité des femmes à réussir, la cavalière danoise Lis HARTEL devient alors la première cavalière à obtenir une médaille olympique.
Lis HARTEL aux Jeux Olympiques de Helsinki en 1952 ©International Olympic Committee
Bien que les femmes peinent à accéder au haut-niveau en équitation "le plus souvent en raison des choix d'orientation professionnelle ou familiaux qu'elles font à un moment de leur vie", constate Sophie Dubourg, ce sport mixte fait tout de même figure d'ouvreur par rapport à d’autres sports olympiques plus fermés.
Si la mixité est rare et ne peut s'appliquer à toutes les épreuves, certains sports ont tardé à proposer des épreuves féminines. L'équitation a longtemps tiré une fierté de sa mixité.
Le judo par exemple, a longtemps été réservé aux athlètes masculins. Les femmes ont dû attendre les Jeux Olympiques de 1992 à Barcelone pour pouvoir fouler les tatamis. A l'inverse, la gymnastique rythmique a la particularité de rester la seule discipline olympique exclusivement féminine puisque les hommes ont forcé les portes de l’épreuve par équipes de natation synchronisée lors des Jeux de Paris 2024.
18 épreuves sur 339 étaient mixtes à Tokyo. En 2024, il y en aura 20, au côté des 152 épreuves féminines et des 157 épreuves masculines.
Le Comité international olympique se félicite de proposer à Paris "un programme sportif plus équilibré " avec la possibilité pour les femmes "de décrocher le même nombre de médailles que pour les hommes". Réjouissons-nous : aux Jeux de Barcelone en 1992, on comptait moins de 29% d'athlètes femmes, 40,7% il y a 20 ans aux Jeux de Athènes en 2004, et 47% aux Jeux de Tokyo.
La Suède a remporté l'or par équipe lors des Jeux olympiques de Tokyo en 2021. En photo : Henrik von Eckermann, Malin Baryard- Johnsson, Peder Fredricsson ©FEI / Arnd Bronkhorst
Des femmes peu nombreuses sur les podiums
Reste que mixité des épreuves ne veut pas dire égalité des chances de médailles. Pour preuve, bon nombre d'équipes comptent une majorité de cavaliers - le Canada et les États-Unis affichent une parité insolente face aux équipes du vieux continent - , et seules 5 femmes figurent dans le classement mondial permanent des 50 meilleurs cavaliers de saut d’obstacles, par exemple. Les chances de médailles féminines, sont plus que réduites. Une fatalité?
"Sincèrement, ce qui aiderait et pourrait potentiellement inverser la courbe, serait de créer des épreuves strictement féminines et d'autres strictement masculines, affirme Sophie Dubourg qui se dit tiraillée et peu satisfaite de la situation actuelle.
"Si nous avions un circuit spécifique féminin et un autre masculin avec, par exemple aussi, des niveaux de difficultés différents, notre sport serait, au même titre que l'athlétisme ou la natation, un grand pourvoyeur de médailles", dit Sophie Dubourg.
Quelques cavalières ont déjà marqué l’histoire des Jeux montrant leur capacité à briller à armes égales. Même si leurs performances sont récentes.
La Brésilienne Luiza ALMEIDA a par exemple été, à Hong Kong (Jeux de Pékin) en 2008, la plus jeune cavalière à participer aux Jeux Olympiques à l'âge de 16 ans. Et la cavalière néerlandaise de dressage Anky VAN GRUNSVEN est l'athlète la plus titrée avec neuf médailles olympiques remportées dont trois en or.
En 2021, la cavalière allemande Julia KRAJEWSKI devient la toute première femme de l’histoire à remporter une médaille d’or à l’épreuve individuelle de Concours Complet d’Equitation. Elle a remporté cette médaille à Tokyo accompagnée de sa jument Amande de B'Neville.
L'Allemande Julia KRAJEWSKI et Amande de B'Neville sont sacrées championnes olympiques de concours complet à Tokyo ©FEI/Christophe Taniére
En France, l’équitation a connu son petit lot de championnes : Pénélope LEPRÉVOST, qui obtient l’or par équipe aux Jeux de Rio en 2016, Alexandra LEDERMANN, qui décroche la médaille de bronze individuelle à Atlanta en 1996, ou encore Eugénie ANGOT, membre de l'équipe de France aux Jeux Olympiques d'Athènes, par exemple. Ces femmes ont marqué les esprits de générations de cavalières.
Des succès porteurs d’un avenir plus rose? Pas vraiment. Pour preuve, moins d'un quart des cavaliers envisagés pour fouler les pistes du château de Versailles, sont des cavalières. On retrouve une nouvelle fois Pénélope LEPRÉVOST, accompagnée de Bingo del Tondou, seule femme en saut d'obstacles - 5 femmes figurent pourtant dans le Top 20 français de saut d'obstacles -, Morgan BARBANÇON MESTRE et Habana Libre A, Pauline BASQUIN et Sertorius de Rima Z*IFCE en dressage - 9 femmes sont pourtant dans le Top 15 tricolore en dressage - , et Lisa CEZ et Stallone de Hus, Alexia PITTIER et Sultan 768, Anne-Frédérique ROYON et Quaterboy LH et Chiara ZENATI et Swing Royal*IFCE en para-dressage.
Fait marquant : aucune femme n’apparaît sur la liste envisagée pour le Concours Complet (CCE), bien que cette discipline compte le plus de couples (quinze) suivis pour les JO 2024, et que 4 cavalières figurent dans les 20 meilleurs tricolores du moment... Entre "manque d'expérience des plus jeunes", "non qualification de certains chevaux sur ce niveau d'épreuves", la France arrive avec une participation féminine d'une faiblesse rare dans cette discipline.
En résumé et à 6 mois de Paris 2024, on compte donc sur la ligne de départ : 0 femme sur 15 couples envisagés en concours complet, 1 femme sur 14 couples envisagés en saut d'obstacles, et 2 femmes sur 5 athlètes en dressage. Seul le para-dressage semble tenir la promesse olympique de la parité chère à Tony Estanguet, avec 4 cavalières sur 5 athlètes envisagés pour ces Jeux Olympiques d'été.
Bref, derrière les beaux mots, on a encore du boulot!
La tricolore Pénélope Leprevost est la seule figurante féminine au GROUPE 1 pour la France côté CSO ©FEI/Lukasz Kowalski
Photo de couverture : La France a remporté la médaille d'or par équipe aux JO de Rio en 2016 avec Roger-Yves BOST, Pénélope Leprevost, Philippe Rozier et Kevin Staut ©AFP