Le haut niveau à poney : kézako?
Sport - INTERVIEW

Le haut niveau à poney : kézako?

Olivier BOST, sélectionneur, et Maryline MILLET-LESAGE, conseillère technique nationale, répondent.

Que représente le Circuit Super AS-FFE Horse Republic pour le haut niveau à poney?


Maryline Millet-Lesage : C'est le circuit français d'excellence à poney qui permet de détecter, former et préparer les jeunes cavaliers de 16 ans et moins, un jour susceptibles d'atteindre le haut niveau senior.


Olivier Bost : C'est un circuit équivalent au circuit du Grand National mais pour les jeunes. L'équitation à poney est une catégorie de l'équitation et le Circuit Super As, une étape dans la construction de la carrière sportive de futurs cavaliers senior de haut niveau. L'équitation est un sport qui dure tellement longtemps que plus le cavalier prend de la maturité tôt, plus il a de chances un jour d'aller aux Jeux olympiques.


Peut-on dire que le circuit Super AS à poney est l'anti-chambre du haut niveau à cheval?


Olivier : Oui je le pense, 90% des cavaliers qui passent par le Circuit Super As poney continuent le haut niveau à cheval. Le haut niveau à poney est construit sur le même format que le haut niveau senior. Simon Delestre, Bosty, Mégane Moissonnier, Jeanne Sadran, Nina Mallevaey, Inès Joly pour ne citer qu'eux, ont fait des Coupes des Nations ou des Championnats d'Europe à poney avant de faire des Coupes des nations ou des Championnats d'Europe à cheval.


La Fédération a mis en place un dispositif complet, un système qui comprend des stages de formation à l'équipe de France, du travail sur le plat, de la préparation mentale, du media-training, de la préparation physique,... qui permet d'avoir une approche globale du haut niveau afin d'être capable, peut-être un jour, de participer aux Jeux olympiques.

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Vous avez déjà en tête les Jeux olympiques?


Olivier : Oui, l'objectif de la Fédération c'est qu'un jour ces cavaliers, on les retrouve aux Jeux olympiques. J'aime l'idée des Jeux et je travaille dans cet esprit là. Les Camille Condé-Ferreira ou Jeanne Sadran ont été formées à être en équipe de France et pour y être très à l'aise. Je pars du principe que ce doit être des femmes et des hommes de chevaux opérationnels sur n'importe quel terrain de compétition du monde.


Pouvez-vous nous parler du groupe de cette année 2023 ?


Olivier : Sur le Circuit Super As, on a 40 ou 50 couples capables de faire les Grands Prix (ndlr : à 1m30), ensuite on ressert le groupe en fonction du potentiel de chaque poney et du potentiel de chaque enfant. On a aujourd'hui 15 ou 20 couples capables de sauter 1m30 très correctement, et finalement on en aura plus que 7 ou 8 à chaque échéance parce qu'il faut que le poney soit en forme et que le cavalier soit en forme à un instant T.


Avez-vous un objectif sportif particulier pour cette saison?


Olivier : Non, l'objectif c'est de former le plus de couples possible. Plus on a de couples et plus on est contents. C'est un suivi longitudinal et continu d'année en année. On connait leur âge, on suit la computer liste et à un moment on se dit "ça y est, il est prêt à intégrer un groupe" pour une échéance comme par exemple cette année, les Championnats d'Europe Poney.


Maryline : On part sur 15/20 couples bien identifiés que l'on va accompagner toute l'année et en fonction de leurs performances et de leur état de forme, on va leur fixer un objectif à plus ou moins long terme pour 2023, 2024 voire 2025. On regarde vraiment largement, même sur les TDA, pour essayer de repérer les couples qui vont arriver.



Quelles sont les principales échéances à venir?


Olivier : On a une grosse super AS à Jardy (11-12 mars) qui sera la première super AS en extérieur, c'est le RV incontournable du début de saison. Ensuite, certains vont aller sauter le CSIO à Opglabbek (Belgique) - en même temps il y aura la Super AS à Macon qui va permettre de poursuivre la formation -, et d'autres vont aller, la semaine suivante, sauter le CSIO en Italie. Ce ne sera évidemment pas les mêmes couples.


On aura une trentaine de couples qui sauteront simultanément ce week-end là. On analysera tout ça et on fera une large sélection pour le CSIO de Compiègne (27-30 avril), elle sera assez ouverte. Et puis, on aura la dernière étape du circuit Super AS à Tours-Pernay (3-4 juin).


A partir de là, on aura bien identifié nos 7 ou 8 couples à potentiel européen et le soir ou le lendemain du Championnat de France à Lamotte, on disposera d'une équipe pour les Championnats d'Europe au Mans (24-30 juillet) qui aura été construite sur la base des CSIO de l'année et des étapes Super AS.


On va courir les Championnats d'Europe pour gagner une médaille, mais s'il n'y a pas de médaille, je veux que les cavaliers repartent en ayant compris comment on construit une participation à un Championnat de ce type.

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Est-ce que l'âge entre en ligne de compte dans les sélections ?


Olivier : Franchement, je ne fais pas de différence en fonction de l'âge. Il faut que le poney soit compétitif, il faut que les parents soient dans un "état d'esprit de haut niveau", il faut que le coach soit dans "un état d'esprit de haut niveau" . Tu peux avoir beaucoup de sentiment à 11 ans, comme tu peux ne jamais en avoir à 17 ans, ce n'est pas une question d'âge. Nous sommes surtout concentrés sur la compréhension de l'enfant et de son environnement.


C'est quoi "l'état d'esprit de haut niveau"?


Olivier : C'est être disponible face aux exigences du haut niveau et très à l'écoute des consignes. Ils doivent être toujours demandeurs de conseils, essayer de comprendre ce que l'on attend d'eux.


Comment travaillez-vous avec les coaches privés?


Maryline : C'est une bonne question. On est très attentifs à l'enseignant.


Olivier : Tout part de l'enseignant. Dans mes introductions de stages équipe de France, je leur dis toujours "c'est plusieurs personnes qui te font arriver au haut niveau : c'est tes parents, ton poney, ton coach, la Fédé et tu dois respecter tout le monde". Si tu ne respectes pas l'un des membres de ce groupe qui t'aide à accéder au haut niveau, tu ne peux pas y arriver. En revanche, j'insiste sur un point : une ambition sportive élevée ne doit jamais être au détriment de l'animal. Respecter son poney est pour moi, clé.


Maryline : C'est une question de comportement, et c'est le premier message que tu donnes Olivier.


Olivier : Et en même temps, l'enfant doit pouvoir, lui aussi, donner son sentiment et dire ce qu'il ressent pour avancer. Donc, il faut quand même qu'il ose échanger avec une attitude positive. La Fédération est très ouverte à ce qu'il exprime ce qu'il attend de nous, et nous, on lui dit aussi ce que l'on attend de lui.


Maryline : Après par rapport au coach privé, il est indispensable que, dans tous les rassemblements et les stages organisés par la Fédération, le coach soit présent. Cela fait des années qu'Olivier met cela en place, cela a pris du temps à fonctionner mais c'est le cas maintenant. Il y a une relation de confiance et un lien direct entre le coach privé et l'entraineur national, qui permet un partage d'information. Aujourd'hui, on peut dire qu'on a des échanges vraiment transparents avec les coaches


Olivier : C'est simple, pas de coach, pas de sélection. Aujourd'hui, tu ne peux pas monter à cheval à haut niveau sans coach, c'est pas possible. Il faut être encadré parce que tu peux penser que tu sais, mais tu ne sais pas.

Tu ne peux pas être lâché avec tes parents qui ne sont pas du milieu pour faire du haut niveau. Si tu as du talent, tu dois te rapprocher de quelqu'un, un coach référent dans ta région, qui va te permettre d'accéder au haut niveau. Je suis convaincu que tu ne peux pas être seul(e).

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Comment cela se passe au niveau budgétaire? Que fait la Fédération?


Maryline : Nous avons la chance d'avoir en France une Fédération forte qui peut se permettre d'aider les cavaliers de toutes les disciplines, ce qui n'est pas toujours le cas des Fédérations à l'étranger. Nous finançons 4 à 5 stages techniques par an pour lesquels nous prenons en charge le coût des intervenants et l'hébergement des poneys. On apporte aussi une aide financière correspondant à la valeur de l'engagement sur deux CSIO dans l'année et il y a une prise en charge quasi complète pour les Championnats d'Europe avec un défraiement de transport, la prise en charge de l'hébergement du cavalier et l'engagement.



Est-ce que tous les enfants de talent peuvent avoir accès au haut niveau sans avoir des parents riches?


Olivier : L'engagement sur le circuit TDA est aux alentours de 75€ pour les deux épreuves, donc ça reste abordable. Il est certain qu'une saison de concours et l'entretien d'un poney de haut niveau a un coût. Après, il y a des familles qui n'ont pas forcément beaucoup de moyens mais qui trouvent le bon chemin pour accéder au haut niveau. Cela dépend de la manière dont on décide de le vivre : on peut aller dans un hôtel 5 étoiles ou dormir dans une caravane ou dans un camion aménagé pour s'offrir cette chance. Ensuite, pour les poneys, c'est comme pour les chevaux. La France est une terre d'élevage et de référence pour les poneys de sport : tu peux trouver un bon jeune poney, "le fabriquer" et aller au Championnat d'Europe 5 ans après. Tu peux aussi avoir envie d'aller plus vite et t'acheter un poney de Grand Prix, et alors il n'y a plus de prix.


Maryline : On a la chance d'avoir un circuit Super AS très médiatisé qui permet d'avoir des sponsors. Aujourd'hui avec une bonne organisation et une volonté de trouver des partenaires, des cavaliers avec peu de moyens arrivent à financer leur saison. Cela fait aussi partie de la vie des futurs cavaliers pro de savoir trouver des partenaires qui les soutiennent.


Olivier : Mais on reste ouvert à la discussion en cas de difficulté financière. Si on a un couple de talent, avec un gros potentiel et que l'encadrement est bon, on doit pouvoir l'aider.

Olivier BOST

Olivier BOST

  • Frère du cavalier international de saut d'obstacles, Roger-Yves BOST
  • Ancien cavalier pro installé au Haras des Brulys (Seine-et-Marne)
  • Instructeur d'équitation BEES 2
  • Sélectionneur des équipes de France jeunes cavaliers, Juniors et Poney depuis 11 ans.