La contribution des informations visuelles dans le contrôle de la posture du cavalier
Decouverte - INTERVIEW

La contribution des informations visuelles dans le contrôle de la posture du cavalier

Dans les yeux d'Agnès OLIVIER

01 I En quoi consistent précisément vos recherches ?


Mes recherches consistent en l’étude de la contribution des informations sensorielles dans la coordination posturale du cavalier avec son cheval. Ce travail fait appel à des connaissances fondamentales en neurosciences et en biomécanique principalement. Etudier la posture assise est originale en recherche et notamment chez le cavalier qui adopte une posture particulière, dite « à califourchon ». Ce sportif doit s’adapter en permanence à un « support vivant instable » qu’est le cheval. Ce modèle spécifique est très intéressant sur le plan scientifique. Sur le plan sportif et pratique, mes recherches amènent des connaissances et des précisions sur les processus physiques mis en œuvre par les cavaliers. Celles-ci permettront de mieux les comprendre pour mieux les entrainer. Qu’est-ce que voir ses foulées ? Qu’est-ce qu’avoir le « feeling » ? Qu’est-ce qu’avoir une bonne assiette ? Quel est le rôle de la musique dans l’interaction cavalier-cheval ? Quel est l’impact d’une selle dans la coordination cavalier-cheval ?  

Pour cela le chercheur doit réaliser une revue de littérature, sorte de bilan des connaissances sur un domaine, mettre en place une expérience en réponse à ses questions, traiter des données recueillies, les valoriser sous forme d’articles scientifiques …



02 I Votre thèse a porté sur l’influence des informations visuelles dans le contrôle postural du cavalier. Le regard est-il l’élément fondamental de la précision du cavalier ? 


Mon doctorat a traité de la contribution des informations visuelles dans le contrôle de la posture chez les cavaliers selon leur niveau d’expertise sportive. Le regard est la somme du mouvement de la tête et des yeux. Le regard a un rôle important dans la performance car placé au sommet du rachis, son orientation va avoir des conséquences sur la coordination posturale et l’équilibre de manière générale. La stabilité de la tête est une signature du niveau d’expertise du cavalier. De plus, dans la discipline du saut d’obstacles, les mouvements oculaires vont avoir une importance particulière dans la zone d’abord des sauts et sur la perception des foulées notamment. Les cavaliers experts vont avoir des temps de fixation oculaire beaucoup plus longs dans la zone d’abord (18-20 m) que les débutants, leur permettant de programmer la battue d’appel du saut. Ces longues fixations se retrouvent dans d’autres sports notamment dans le golf, le tir au basket etc. Les américains ont mis en place certains types d’entrainement perceptifs afin d’améliorer la performance. Le regard est important dans les coordinations cavalier-cheval et par conséquent dans la performance. 

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03 I Vous travaillez notamment avec des cavaliers de CCE ? Qui sont-ils ? Quel axe de recherche suivez-vous ? 


Aujourd’hui mes recherches et le contexte pré-olympique des JO de Paris m’amènent à travailler sur les contraintes biomécaniques et physiologiques avec des collaborateurs, sur l’interaction cavalier-cheval. L’étude des cavaliers de CCE pourraient nous aider au développement des autres disciplines. Les paramètres physiologiques comme la fréquence cardiaque pourraient être des prédicteurs de santé et de performance. Pour que nos recherches aient un impact sur nos performances aux JO il nous faut travailler auprès de cavaliers de hauts niveaux (principalement de la liste 1 et 2 FFE) et des cavaliers de moindre niveau type Amateurs. Il est très important d’avoir une cohorte de participants homogène et en nombre afin que nos statistiques soient plus fortes. Nos cavaliers commencent à être plus coutumiers de la technologie de par l’utilisation de capteurs développés par nos starts-up françaises certainement. Nous rechercherons le couplage « méca-cardio » idéal afin de prévenir des blessures encore trop nombreuses et donner de nouveaux paramètres fiables pour l’entrainement.  


04 I Y a-t-il des différences d’attentes du cavalier liées à la perception des mouvements selon la discipline pratiquée ? 


Chaque discipline équestre a sa propre logique interne et sa signature motrice. Selon la discipline équestre pratiquée, les attentes, les adaptations posturales, la perception du mouvement sont différentes. Il y a certains points communs comme la stabilité de la tête, de la main, … et des coordinations au niveau du bassin (assiette) parfois différentes et spécifiques si vous êtes cavalier de dressage ou de CSO. 


05 I En quoi consiste le programme ANR des Jeux Olympiques de 2024, dans lequel vous êtes impliquée ?


L’Agence Nationale de la Recherche (ANR) a pour la première fois alloué un financement important (10 Millions d’euros) pour le développement de projets pour les JO de Paris. Ce programme consiste à financer des recherches sur la haute performance en sport dans les disciplines médaillables (soit dans le top 10 mondial). 

Nous avons déposé un projet (OPTICC_2024, Optimisation de l’Interaction Cavalier-Cheval dans la discipline du CCE), qui a été classé parmi les 10 meilleurs projets lors de la 1ère vague de lancement de l’appel à projet ANR JO haute performance en décembre 2019. L’objectif de ce projet est d’optimiser l’interaction cavalier-cheval en CCE à partir d’une approche pluridisciplinaire, basée sur la réalité du terrain et capitalisée sur le savoir-faire de nos partenaires. Ce projet était divisé en 3 parties : les déterminants de la performance, la prévention des blessures et l’amélioration de l’entrainement, et enfin le développement d’outils pour l’entrainement. 

Ce projet a relevé un certain engouement auprès des cavaliers mais malheureusement nous n’avons pas pu le soumettre lors de la 2nde vague de l’AAP en juin dernier. Une perte importante pour nos cavaliers, nos entraineurs, nos équipementiers et nos chercheurs. Rares sont les appels à projet qui vous permettent d’obtenir 1 million d’euros ! De quoi travailler et innover dans de meilleures conditions sur du long terme. Ce projet sera proposé à d’autres appels à projets afin de trouver d’autres moyens d’être financés. 


06 I Diriez-vous que l’équitation tend vers une pratique plus soucieuse du lien cheval-cavalier que vous étudiez ?


Il y a une prise de conscience de l’impact du cavalier sur la performance du couple cavalier-cheval. Les financements de recherches dans ce domaine sont nouveaux, datent de ma soutenance de thèse (2012) pour l’IFCE (Institut Français du Cheval et de l’équitation) et peu de laboratoires travaillent dans ce domaine. Je suis chercheuse au laboratoire CIAMS (Complexité, Innovations, Activités Motrices et Sportives) à l’Université Paris-Saclay. Outre les axes de recherches qui me correspondent, il y a un centre équestre universitaire à la faculté des sciences du sports ce qui facilite le développement des recherches sur ce thème. 


07 I Quelle utilité avez-vous de l’application Horse Republic ?


L’application Horse Republic est unique sur les recensements des événements équestres français mais aussi internationaux. Elle informe des compétitions, ce qui invite à s’y rendre même si on n’y concourt pas. C’est très intéressant de développer ce réseau « d’utilisateurs » de compétitions et d’événements équestres afin de retrouver et/ou de rencontrer du monde. De mon point de vue de chercheuse cette application pourrait peut-être m’intéresser encore plus si nous pouvions trouver des participants à nos expériences de recherches et des structures d’accueils 😉. 


Agnès OLIVIER

Agnès OLIVIER

Agnès OLIVIER est enseignante chercheuse à l’université Paris Saclay à la Faculté des Sciences du Sport. En plus d’enseignements plus généraux comme l’anatomie, elle enseigne l’équitation aux étudiants de sa spécialité.

Après avoir effectué un parcours universitaire en STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) elle obtient un Brevet d’Etat 1er degré à la SHUC de Caen où elle enseigne en parallèle de ses études.

Au cours de sa pratique et de ses études elle se rend compte qu’il y a peu de connaissances sur les cavaliers dans la recherche équine. Les recherches sont davantage centrées sur le cheval. Elle s'intéresse à la performance de par son cursus STAPS et son expérience sportive . Travailler sur l’interaction cavalier-cheval s'est révélé évident puisque la performance résulte d’un « couplage » dans notre pratique équestre.